mercredi 22 décembre 2010

Nous sommes méfiants


J’attendais le métro depuis quelques minutes. C’était l’heure de pointe et il y avait plusieurs personnes qui attendaient aussi.  Mon manteau d’hiver qui me protégeait de la froideur du début de décembre, mon nouveau foulard que j’arborais fièrement, mes bottes et quelques sacs d’épicerie donnaient à mon corps le sentiment d’être moitié mort de chaleur dans un sauna vapeur. Je sentais un vent chaud sortir de mon tors quand je bougeais. Autour de moi, des travailleurs dont la fin de la journée laissait paraître dans leurs yeux cette envie profonde de se retrouver bien confortables dans l’accueil de leurs maisons. Plusieurs personnes étaient seules, perdues entre leurs deux oreilles bouchées par les écouteurs d’un iPod séparatiste du monde extérieur (ça c’est juste mon opinion !). Quelques étudiants trainaient en groupes épars, criant et exprimant leur présence, cherchant du même coup, l’attention requise pour devenir grand.

L’un d’entre eux, un jeune d’environ 20 ans, s’est approché de moi pendant que je menais un combat amical et non-officiel avec mon nouveau téléphone qui était  -à ce moment- beaucoup plus intelligent que moi. L’étudiant vient donc vers moi et de manière très polie, en me vouvoyant, me demande s’il peut utiliser mon téléphone. WHAT ? Mon nouveau téléphone ? Es-tu malade ? J’te connais même pas ! Toutes ces phrases ont traversé mon esprit, mais heureusement, j’ai un bon fond et ma bouche s’est soudainement soudée.

J’ai donc composé le numéro de téléphone du frère de l’étudiant et lui au tendu une grande partie de ma Vie (je ne connais par cœur que deux ou trois numéros de la centaine que j’ai). Pendant qu’il tenait ma Vie entre ses mains, j’étais tellement méfiant. J’étais près à lui sauter dessus s’il partait en courant. Je savais exactement ce que je ferais si son intention était de me voler mon nouveau jouet. Et il parlait à son frère avec douceur, l’informant de son arrivée au métro Cartier dans les minutes qui suivaient. Et il m’a remis un regard courtois, un sourire reconnaissant et mon téléphone. Intact.

Je me suis demandé pourquoi j’avais été si méfiant. Je me suis demandé pourquoi, les humains, nous en sommes venus à nous méfier autant de nos frères et sœurs. Un ami m’a dit : « Mais tout fait en sorte que on se méfie ». OUCH ! Ça fait mal d’entendre ça, non ?

On se méfie d’un regard trop insistant, d’un sourire offert –bien souvent- gratuitement. On se méfie de cette personne qui, en tentant de gagner sa Vie, nous appelle, la voix tremblante, en nous annonçant la raison de son appel portant sur un simple sondage. On se méfie de cet itinérant remplie du désir de survivre, des ces hommes venus d’autres pays, des ces femmes dont les mœurs sont différentes. On se méfie de l’homosexuel qui invite un hétérosexuel à prendre un verre, en ami, simplement pour faire connaissance. On prend le temps « d’avertir » que les intentions doivent être claires. On se méfie des trop riches ET des trop pauvres. On hésite quelques secondes à parler à ce passant qui vient nous demander la direction pour le centre-ville. On se méfie d’un nom et d’un numéro inconnus qui apparaissent sur notre afficheur, ce filtreur de méfiance.

On se méfie de nous-même. On en a peur, peut-être ?

Je laisse tomber la méfiance que j’ai envers moi-même pour faire place à une grande porte ouverte parce que moi, je n’ai pas envie de croire que « tout fait en sorte qu’on se méfie ».

Paix et Liberté

Stéphane